À quelques semaines de la COP28, qui se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, un pas important a été franchi sur la question des pertes et dommages liés au changement climatique. Il s’agit des impacts irréversibles et inévitables du réchauffement de la planète, qui affectent surtout les pays les moins développés et les plus exposés aux aléas climatiques, comme les sécheresses, les inondations, les cyclones, la montée du niveau de la mer ou la perte de biodiversité.
Pour faire face à ces impacts, un Fonds des pertes et dommages a été créé lors de la COP27 en Égypte l’année dernière, dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Il s’agit du premier fonds des Nations Unies dédié à la lutte contre les dommages causés par le climat, et il représente un enjeu majeur pour la solidarité internationale. Ce fonds vise à fournir un soutien financier, sous forme de subventions, aux pays les plus vulnérables, pour les aider à se relever des conséquences du changement climatique et à s’adapter à la nouvelle réalité.
Pour mettre en œuvre ce fonds, un Comité de transition a été mis en place, composé de représentants de 16 pays, dont huit pays développés et huit pays en développement. Ce comité, présidé par le Dr Sultan Al Jaber, le président de la COP28, a tenu sa cinquième et dernière réunion à Abu Dhabi du 3 au 5 novembre 2023. Après des discussions intenses et constructives, le comité est parvenu à un accord sur une liste de recommandations, qui seront soumises à l’approbation des parties lors de la COP28. Ces recommandations portent sur les aspects techniques, financiers, institutionnels et juridiques du Fonds des pertes et dommages, ainsi que sur les critères d’éligibilité et les modalités d’accès au fonds.
Que dit l’accord ?
Le comité de transition, qui compte 24 sièges, accorde une large place aux pays en développement. Ceux-ci sont les plus affectés par les pertes et dommages liés aux changements climatiques. Le groupe s’est interrogé sur les modalités de financement et d’attribution du fonds destiné à soutenir les actions d’adaptation et de résilience. Selon le texte, le fonds serait hébergé par la Banque mondiale. Or, les pays en développement se sont opposés à cette option pour plusieurs raisons. D’une part, la Banque mondiale ne finance que les pays membres, ce qui exclut certains pays en développement qui n’en font pas partie. D’autre part, elle ne permet pas l’accès direct au financement pour les communautés locales, qui doivent passer par des intermédiaires étatiques ou privés. Ce qui représente des contraintes administratives.
Enfin, la Banque mondiale continue d’investir dans les énergies fossiles, qui sont à l’origine du réchauffement climatique. Les pays développés ont tenté de convaincre les pays en développement que le fonds serait plus efficace sous l’égide de la Banque mondiale, comme le souhaitent ces derniers. Ils ont fini par obtenir leur accord, moyennant des conditions drastiques.
Le texte ne prévoit pas d’obligation pour les gros émetteurs de gaz à effet de serre de contribuer au fonds. Il se contente de les inviter à le faire. Ce qui pose un problème d’équité et de responsabilité. Les pays développés ne veulent pas être les seuls à assumer le coût de la transition écologique. Le fonds fonctionnerait donc sur la base du volontariat.
Le texte accepte également le financement privé, provenant de la philanthropie ou de la fiscalité. Des organisations non gouvernementales, des fondations ou des entreprises pourraient mettre des fonds sur la table. Des taxes seraient également mises en place sur les industries les plus polluantes, comme le transport aérien ou le secteur pétrolier.
Parvenir à un accord sur un sujet crucial
Le Dr Al Jaber a salué le résultat de la réunion, qu’il a qualifié d’étape essentielle vers un résultat positif sur la route menant à la COP28. Il a souligné l’importance du multilatéralisme et de l’unité pour parvenir à un accord sur ce sujet crucial, qui concerne des milliards de personnes, de vies et de moyens de subsistance. Il a également remercié les coprésidents du Comité de transition, Outi Honkatukia de Finlande et Richard Sherman d’Afrique du Sud, pour leur leadership et leur engagement. Il a appelé les parties à conclure l’accord à Dubaï et à respecter leurs obligations envers le Fonds des pertes et dommages, qui constitue un élément clé de l’Accord de Paris sur le climat.
La COP28 sera l’occasion de faire le premier bilan mondial des progrès dans la lutte contre le changement climatique, comme mandaté par l’Accord de Paris. Les Émirats arabes unis, qui accueillent la COP28, ont plaidé à plusieurs reprises pour l’opérationnalisation du Fonds des pertes et dommages et les modalités de financement, en disant que cela signifie « agir pour les personnes les plus vulnérables au climat au monde ». La COP28 devrait réunir plus de 70 000 participants, dont des chefs d’État, des représentants gouvernementaux, des leaders internationaux de l’industrie, des représentants du secteur privé, des universitaires, des experts, des jeunes et des acteurs non étatiques.
Mahussi Capo-chichi